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Avec Lounes Matoub, chez Hocine Ait Ahmed,

Le geste d’honneur du Rebelle: par Brahim Tazaghart


31 Mai 2014 | 15:19
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En ce matin du 30 mai 1990, la Mercédès D 190, appelée « Taghyult n ldjich, « L’ânesse de la révolution » aborde posément le chemin de Takhoukht en partant de Taourirt Moussa, dans les At Douala.
À son bord, cinq militants de la cause amazigh qui s'apprêtent à vivre un moment exceptionnel dans leur parcours.
Au volant Mourad Assam, à coté de lui, était assis Lounes Matoub et derrière, côte à côte, Foudil, Djamal Zenati et moi-même.
Direction, siège national du FFS, situé à El Biar !

La chanson, instrument de lutte par excellence
En Kabylie, la chanson est d’un rôle essentiel dans l’éveil identitaire et la prise de conscience politique. Plus que les autres moyens comme la presse écrite et la télévisons, boudés d’ailleurs avant 1988, la chanson a sue secouer les esprits. Elle a remplie les cœurs de rêves et d’espérances.
Avec Azem, Chérif Kheddam, Ait Manguellat, Idir, Ferhat, Agraw, Izri, Ideflawen, Matoub et d’autres, la chanson a permet à la population de s’exprimer, de s’extérioriser, de structurer ses pensées et ses revendications.
De toutes ces belles voix, celle de Matoub est d’une terrible efficacité.
Artiste complet, doté d’une voix exceptionnelle ; poète hors pair ; musicien inégalable ; rebelle, casseur de tabous ; profondément humain ; il est la tonalité qui porte haut les colères du peuple et ses aspirations.
Si Ait Manguellat est dans la métaphore, Idir dans l’utilisation des mythes, Ferhat se servant d’un texte savant, Lounes est directe, bouleversant. Une puissance rare de dire tout haut ce que les gens pensent tout bas !
Chanteur et militant, Matoub n’a peut échapper aux luttes toutes naturelles qu’à connu le mouvement amazigh. En effet, après les événements d’avril 1980, il s’est retrouvé à plusieurs reprises en conflit avec des animateurs du mouvement amazigh. C’est le cas notamment avec les anciens cadres du FFS qui étaient déjà en rupture avec le parti. Pour régler ses comptes, lui qui n’encaisse jamais sans rendre des coups, il a chanté plusieurs textes contre la personne de « leurs chefs », Hocine Ait Ahmed.
C’était l’époque de « Anwa mi fkan di Tizi, tihuna d yexxamen », « El Hocine d wakraren-is » et autres.
A souligner qu’à ce jour, les détracteurs professionnels de Hocine Ait Ahmed utilisent sournoisement les textes du rebelle comme arguments pour soutenir leurs diatribes. Conditionnés par les cercles les plus obscures du système, ceux-ci ne ratent aucune occasion de dénigrer le dernier des pères fondateurs de l’Etat Algérien moderne.
Certainement, patriotisme et démocratie n’arrangent pas tout le monde !
Le 25 janvier 1990, le tournant...
Après l’ouverture démocratique, conséquence de la révolte d’octobre 1988, Lounès Matoub a pu voir claire.
Le 25 janvier 1990 et lors que rassemblement du MCB devant l’APN, il est à la de la délégation qui s’est rendue au bureau du président de l’assemblée. Il dépose de sa propre main le rapport de synthèse du 2° séminaire du MCB sur la table de M. Abdelaziz Belkhadem.
C’est après cette action historique et le fameux gala du 20 avril 1990 à Ouad Aissi qu’il a émis le vœu de rencontrer Hocine Ait Ahmed. Personnalité qu’il n’a jamais connu auparavant. Une occasion pour lui exprimer respect et considération, et de fermer, par conséquence, l’épisode de critiques contre le chef historique de la révolution algérienne.
La tache est confiée à Djamal Zenati de lui prendre rendez-vous chez feu Hachemi Nait Djoudi, alors responsable du FFS. Chose aisé. Le rendez-vous est programmé pour la fin mai 1990.
La rencontre
Reçu au siège du FFS à El Biar, Lounes Matoub et Djamal Zenati sont conviés dans le bureau de Hocine Ait Ahmed. Après quelques temps, Hachemi Nait Djoudi est venu nous inviter à les rejoindre.
Moments de grandes émotions en face de celui qui, à l’âge de 18 ans, a planifié la révolution armée du peuple algérien à travers la mise en place de l’organisation secrète.
En sortant, Lounès s’est exclamé : « Si Lhocine, un grand homme, grand !» Oui, Si Lhocine est grand aussi par sa taille, imposant.
Pour l’anecdote : nous avons fait deux photos avec Ait Ahmed. L’une en groupe et l’autre entre seulement Ait Ahmed et Matoub. En arrivant à Tizi Ouzou, Lounès est impatient de développer et de voir les photos. Après une petite attente devant un photographe situé au bâtiment bleu, Fodil revient avec la photo d’Ait Ahmed et Matoub. Aucune trace de la photo du groupe ! Saisit par un fou rire, Lounès nous taquine : « Voila, moi je suis là, et vous non ! Savez-vous pourquoi ? Parce que moi j’ai un cœur net, pas vous ! »
Si je rappel, aujourd’hui, cette rencontre, c’est pour dire la grandeur d’un homme qui sait reconnaitre celle d’autres hommes aussi grands et aussi prestigieux. Mais aussi, pour avertir contre le danger d’utiliser des symboles pour porter atteinte à d’autres symboles, pour enfin, les briser tous.
Je fini mos propos par dire que durant cette rencontre avec Hocine Ait Ahmed, Lounes Matoub a levé toutes les incompréhensions ; un geste que seuls les hommes d’honneurs, comme Lui, savent faire !


Souk Letnine, le 30 mai 2014



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Commentaires

  1. abzim Mohand   01 Juin 2014

    Hallucinant, n'est ce pas que Le temps semble se figer pour l'auteur de ce "témoignage" ! quid de ce que Feu Matoub a du dire dans ces textes ?

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