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Du printemps arabe à l’automne des désillusions

Le temps des hommes providentiels


Les généraux Al Sissi et Haftar

01 Juin 2014 | 18:48
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Les généraux Al Sissi et Haftar  Tel un tsunami déferlant, le printemps arabe a touché plusieurs pays de la région. Le monde entier vivait l’histoire quasi en direct, en Tunisie, en Lybie, en Egypte, au Yémen et en Syrie. Les autres régimes arabes se sentaient menacés à leur tour, et se démenaient comme ils pouvaient pour éviter ce tsunami destructeur. Toute la région passait par l’une de ses périodes les plus troubles. La peur s’installait du Maghreb au Machrek. Et tout était remis en cause.

Mais jusqu’à ce jour ces vagues destructrices se sont cassées aux portes de Damas, avec le lot de morts, de larmes et de refugiés que l’on sait. Mais est-ce pour autant l’heure des bilans ? Le plus dur est-il derrière nous ? Bien malin celui qui peut y répondre aujourd’hui.

Mais en Tunisie, en Lybie ou en Egypte, bien des choses se sont passées, et comme les Romains jadis, du haut de la colline, on observe Rome bruler. Ceux qui ont fait ces révolutions, se sont trouvés vite éjectés et leurs pays ont sombré dans l’anarchie. La démocratie pour laquelle des centaines de jeunes se sont sacrifiés n’a pas eu lieu. Sa naissance a été trop douloureuse, et il fallait l’avorter. Tout ça pour ça serions nous tentés de dire. Un gâchis !

 

L’homme providentiel, fort et sans pitié

Car l’urgence n’était plus cette démocratie tant souhaitée, mais la paix et la stabilité de ces pays qui continuaient inexorablement leur descente vers les abimes. En Egypte les affrontements faisaient désormais le décor quotidien du Caire, d’Alexandrie et d’autres villes encore.

Les camps et les clans se sont multipliés et chacun pleurait ses « martyrs ». Une situation de psychodrame qui ne pouvait durer. Et voila que le peuple se met à la recherche de l’homme providentiel, fort et sans pitié, pour corriger la trajectoire et imposer l’ordre et la paix, quitte à utiliser les mêmes moyens que la dictature déchue.

On n’avait plus à faire dans la dentelle, ni à se soucier des droits ou des libertés. Il y avait plus urgent : le destin d’un pays. Et comme les destins des pays et des hommes sont toujours faits pour se croiser, celui de l’Egypte a croisé celui du général Abdelfattah al Sissi. Un homme devenu depuis maréchal avant de se voir hisser à la tête de l’Etat et devenir président de l’Egypte.

Un militaire qui fait le consensus et qui plait au peuple. Un peuple qui était lassé des bonnes paroles de révolutionnaires rêvant de démocratie, de justice et de liberté. L’Egypte a son homme providentiel et il ne vient bien du rang des révolutionnaires du printemps arabe, mais de la même caste que Nasser, Sadate et Moubarak. Le temps des militaires a toujours cours en Egypte.

 

A chaque «révolution » son général

 

En Libye où la situation est plus compliquée, c’est un autre général qui s’est invité au devant de la scène. Se disant « mandaté par le peuple », le général Khalifa Hafter s’est placé en sauveur de la nation. Il a lancé une guerre ouverte contre les milices armées qui font la loi dans le pays, et appelé à la dissolution du parlement élu. Pour la majorité des Libyens, Haftar est l’homme de la situation et le seul à pouvoir instaurer l’ordre et mettre fin à l’anarchie qui sévit dans le pays depuis la chute du régime du colonel Mouammar Kadhafi.

Comme en Egypte, là aussi, les peuples qui ont initié le printemps arabe s’en remettent aux hommes les plus forts. Des hommes providentiels qui tirent leur légitimité de leur capacité à imposer l’ordre et non à consacrer la démocratie, qui pourtant a été l’essence même de ce fameux printemps arabe.

Abandonnés par les parrains de ces soulèvements populaires comme la France, les Etats Unis ou le Qatar, les Egyptiens et les Libyens mettent entre parenthèses les idéaux fondateurs de leur insurrection pour rechercher refuge chez de nouveaux dictateurs qui leur assurent le pain et un toit comme a dit, un jour, le président Chirac en parlant de la dictature de Ben Ali.

C’est peut être là un autre douloureux chapitre de l’histoire de la nation arabe qui se referme sur des rêves encore une fois reportés à des lendemains incertains.

Amina Hakem

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