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Le coup de cœur de Slimane Laouari

Hamza l’ANSEJ


11 Juin 2014 | 13:47
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Auteur : laouarisliman@gmail.com


La « promo », Hamza, sait très bien ce que c’est. Désormais, aucun terme du management moderne n’a de secret pour lui. Il aurait donc pu songer à « rentabiliser » cet espace que nous lui avons proposé pour un coup de « pub gratuite ». Mais qu’on ne s’y méprenne pas, Hamza ne perd pas jamais le nord quand il s’agit de sa petite « entreprise ». Un peu par une certaine philosophie de la vie et un peu par déformation professionnelle, il a toujours la « pesette » du pour et du contre en alerte. Non, Hamza n’a pas eu à trop réfléchir pour nous avertir, avec une attachante courtoisie mais une fermeté qui ne laisse pas le choix : « c’est vraiment très gentil et encourageant de vous intéresser à quelqu’un comme moi, mais je peux dire des choses qui ne vont pas être appréciées par les autorités. Vous allez donc vous contenter de mon prénom, de ce que je fais et d’une vague localisation géographique ». La cause est entendue, les rares exemples de réussite dans l’ANSEJ ont beaucoup d’appréhension, contrairement aux autres, qui ont… beaucoup plus de choses à se reprocher. Car Hamza, 38 ans, une licence d’économie inachevée et de l’ambition plein les yeux est un « bénéficiaire » de l’ANSEJ et ça a plutôt marché pour lui. Ce n’était pourtant pas évident et on n’a pas eu besoin de lui poser la question : « si c’était facile, tout le monde aurait obtenu des résultats ». Oui, dans son propos, l’humilité n’est pas vraiment ce qu’on retient en premier lieu. Mais il n’y a pas grand-monde pour lui tenir rigueur pour « si peu ». Dans l’entourage de Hamza, on évoquera plus volontiers celui qui a bossé dur et avec intelligence pour s’en sortir que celui « qui se la péte » parce qu’il vient de sortir de la merde.  Dans cette petite ville de basse Kabylie où il a établi ses « bases », comme dans les villages environnants où il réalise l’essentiel de son chiffre d’affaire, Hamza a plutôt pignon sur rue. Une fois n’est pas coutume, il fait preuve de modestie : « ça marche (aussi) pour moi parce que je n’ai pas de concurrents », lâche-t-il. Avant de revenir à la charge comme pour tempérer son accès d’humilité : « je parle de concurrents sérieux, bien sûr. Parce que des enseignes d’installateurs de gaz, d’électriciens et de plombiers, il y en a une bonne dizaine dans la localité ». Oui Hamza « fait entrer » le gaz, l’électricité et l’eau dans les foyers de son petit bled. Il est déjà loin de sa licence inachevée d’économie. La fac, il l’a reléguée au rang de souvenir mais il « concède » quand même que ça lui a été utile : « apprendre à gérer devient moins rébarbatif pour quelqu’un qui a quelques notions, même théoriques, dans le domaine ». Même s’il est tout en rationalité  dans son raisonnement, il arrive Hamza de sauter du coq à l’âne, comme pressé d’en arriver à ce qui motive ses colères promises qui pourraient lui valoir quelques représailles « en haut », comme il dit. « Moi, j’ai tout remboursé, par anticipation. Je ne leur dois plus rien. Au contraire ce sont eux qui me doivent des choses. J’ai élargi mon activité, j’ai recruté une dizaine de jeunes qui tenaient les arbres et j’ai maintenant de l’argent qui dort à la banque. S’ils veulent que je l’investisse, il faut que ce soit dans un grand projet et j’en ai présenté un. Mais la banque ne veut pas marcher, alors que je présente toutes les garanties de solvabilité. Ils préfèrent continuer à distribuer des fourgons et des camionnettes à de nouveaux candidats ANSEJ… » Hamza est sorti de la boue mais en dépit de ses manières d’enflammé, il a bien les pieds sur terre et il sait qu’il n’est pas à l’abri d’un coup dur. Comme cette perspective qui tient de l’évidence : « nous sommes en pleine embellie due à l’arrivée du gaz de ville dans quasiment tous les villages de la région. Il y a aussi les aides au logement rural qui font que tous ceux qui possèdent un lopin de terre construisent leur maison. Ça nous donne du travail, beaucoup de travail, il m’arrive même d’en sous- traiter. Mais combien de temps ça va durer ? Il faut qu’on apprenne à vivre en période normale » ! Très lucide, Hamza. Mais ça ne lui suffit pas toujours. Alors il retrouve, parfois de manière déroutante et souvent désordonnée ses colères tenaces et ce qu’il considère comme ses trouvailles de génie. Il sort alors pêle-mêle son indignation de voir que parmi ceux qui ont « pris un crédit ANSEJ », rares ceux qui ont travaillé. Que   l’Etat s’acharne sur ceux qui remboursent plutôt que sur ceux qui n’ont pas rendu un centime. Qu’il n’y ait aucune récompense de la réussite. Qu’il n’y ait pas de sanction de l’échec. Qu’on continue à accorder des crédits dans des créneaux saturés. Pour illustrer ça, il a une formule dont il revendique avec enthousiasme les  droits d’auteur : « beaucoup de  jeunes étaient chômeurs. Maintenant, ils sont devenus des chômeurs qui roulent en véhicules utilitaires » ! Et l’Etat fait de la politique avec l’ANSEJ et la CNAC. Comme s’il avait tout dit avec cette dernière phrase, il prend son portable et avant de composer son numéro, il s’excuse d’être obligé d’appeler son frère qui supervise les travaux sur un chantier de la ville. En raccrochant, il s’excuse encore d’être obligé de partir. Il n’y avait pas d’autre choix que de le croire. Toujours courtois mais ferme, il insiste : « pas de photo, pas d’indication précise ! ».  Promis.



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