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Ouyahia, portrait de conjoncture

Par Slimane Laouari


27 Juin 2014 | 13:08
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Auteur : laouarisliman@gmail.com


Il vaut mieux le croire sur parole quand il parle de lui, sinon on se perd rapidement. Même s’il n’est pas généreux en matière de révélations sur son parcours professionnel et sa vie d’homme, on sait tout ou presque d’Ahmed Ouyahia. C’est que l’homme est au moins aussi fascinant qu’impopulaire. Et peut-être bien que les deux sont liés. S’il est emblématique du système dans tous ses errements, il n’en est pas moins l’incarnation de ses rares intelligences. Au point d’être régulièrement évoqué comme un moindre mal après avoir été trainé dans la boue. Dans un sérail en panne chronique d’imagination, il est tour à tour la compétence-alibi et le fusible des grosses tempêtes. Il ne se plaint ni de l’un ni de l’autre et pour cause, on le dit en mission permanente. Sinon en service commandé, y compris dans ses récurrentes disgrâces. Et puis ses retours. Attendus ou spectaculaires, parfois les deux. Mais c’est au sein de l’opinion lambda qu’on mesurer la diversité des idées qu’on peut se faire d’Ahmed Ouyahia. Quand ça va du « kabyle de service » au « kabyle trahi par les siens », c’est qu’il y a bien une partie de l’opinion qui n’a rien compris à l’homme. Ceci pour sa région d’origine. Mais ce n’est pas vraiment différent ailleurs où on lui retrouve des appréciations tellement aux antipodes les unes des autres qu’on se demande où on a été chercher ça. Du « nouveau Boumediene » au « sergent de toutes les corvées », il y a quand même un gouffre impossible à descendre- ou remonter-  avec la corde de la rationalité. Sauf à se résigner aux confortables certitudes qui sont souvent autant d’évidences, ce n’est pas une mince affaire que de cerner Ahmed Ouyahia. Si on doit quand même s’y arrêter, c’est à coup sur pour des banalités. L’homme est ambitieux ? C’est aussi vrai que deux et deux font quatre. Il se voit aux plus hautes fonctions de l’Etat ? C’est un secret de polichinelle. Difficile pourtant de croire à l’homme de laboratoire que les « services » auraient préparé à un destin national, avec feuille de route et protocole de formation. Les indices ne manquent pas en l’occurrence  mais les choses ne doivent tout de même pas être aussi simples. Sinon à soixante deux ans, son destin serait peut-être déjà accompli. A moins que, après tout, c’est une hypothèse comme une autre, la vocation qu’on lui aurait forgée soit toute autre. Auquel cas il faudra croire à ce qu’en pense ses pires pourfendeurs intra et extra-muros : il serait donc l’homme à tout faire qu’on nourrit à coups de promesses chimériques. Mais comment a-t-il pu faire pour rester aussi patient après autant de « mises en réserve de la république » ? On nous a même suggéré que la dernière disgrâce était la « bonne » pour une retraite politique pourtant difficilement envisageable. Mais il devait y avoir, dans le sérail comme à sa périphérie, beaucoup de gens qui le souhaitaient assez pour le… penser. Alors ça a pris quelque peu. Et le fait –inédit- qu’il soit destitué cette fois de son support politique, le RND, n’est pas fait pour tempérer leurs ardeurs. Quand on sait que tout ceci était précédé d’une  période de conflit larvé avec Abdelaziz Bouteflika, tous les scénarii d’un largage définitif sont devenus alors possibles. La boucle était censée être bouclée du fait qu’on disait de la même période qu’elle était le point culminant de la lune de miel entre le président en exercice et le patron des services Tewfik Médiène. Alors, « lâché par ses sponsors » ? Voyons.  Si la thèse a fini par s’installer dans le microcosme avec l’aide intéressée de quelques puissants relais médiatiques, elle n’a pas perdu pour autant son coté farfelu. Les certitudes ont la peau dure, elles deviennent encore plus dures quand elles se confirment aussi rapidement. Ahmed Ouyahia est encore là et plutôt avec les honneurs. Le contexte de sa réapparition, la nature des dossiers qui lui sont confiés, comme le libellé de son poste, sont autant d’ingrédients qui font de lui à l’heure actuelle, l’homme à qui on a confié les clés de la maison, les capacités physiques du président étant au point où elles sont. Le contexte, tout le monde le connait : une succession ouverte qui plus est, peut intervenir plutôt que prévu. Pour le poste, il n’est pas besoin d’être politologue émérite pour deviner qu’il sera président par délégation. Et enfin, les dossiers les plus visibles dont on l’a chargé comptent déjà ce qu’il y a de plus important comme enjeux du moment. Il n’y a qu’à voir comment sa posture tranche avec celle de Belkhadem qui a tout d’une voie de garage pour s’en rendre compte. Alors tremplin ou illusion de plus ? On ne sait pas. On ne sait jamais avec Ouyahia.



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