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Le Ramadhan à Tunis

Pas vraiment comme au bon vieux temps


06 Juillet 2014 | 08:40
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Des agents de l’ordre ont opéré, mercredi dernier, une descente dans le quartier huppé d’Ennasr (Gouvernorat de l’Ariana), l’objectif étant de fermer tous les lieux de restauration ouverts, sauf ceux considérés comme «touristiques», qui gardent le droit de vendre des repas à emporter.


Auteur : De notre correspondant à Tunis Nacer O.


Comme chaque année, des milliers de Tunisiens ont décidé de ne pas jeûner durant le mois de Ramadan, par rébellion, par conviction ou autres.

Au sixième jour, la Tunisie, comme partout ailleurs dans les pays musulmans, vit au rythme du Ramadan. Mais dans ce pays où l’islam est la principale religion, certains ont décidé, par habitude, de ne pas jeûner. Rares sont les restaurants ouverts en pleine journée, c’est la raison pour laquelle ces Tunisiens mangent en toute discrétion.

Certains ne sont tout simplement pas croyants, à l’instar de Seif. Cet étudiant n’a jeûné qu’une seule fois dans sa vie, contrairement au reste de sa famille. « Il faut rester vraiment discret, explique-t-il. Je dois respecter les gens, il ne faut pas manger et boire devant eux. Je n’ai pas de problème parce que je mange à la maison, ma mère me prépare tout. Pourtant, ma mère est voilée. Ce n’est pas un sujet de conflit », raconte-t-il. « Le seul problème, regrette-t-il, c’est que je ne trouve pas d’alcool pendant le ramadan, et je ne peux pas entrer dans un bar ».

Même si Ahmed, un autre jeune tunisien rencontré par Yagool, aimerait exprimer publiquement ses choix, pas question pour lui de provoquer. Car même si la liberté de conscience est inscrite dans la nouvelle Constitution, la vivre pleinement n’est pas aussi simple. « J’adore l’ambiance du Ramadan lorsque la famille se regroupe autour de la même table. Je ne dis pas à ma famille que je ne fais pas le Ramadan pour éviter de les blesser, c’est un peu tabou. La société n’est pas prête pour ça, dommage », raconte-t-il.

 

C’est une fille qui sert

 

Le mois de jeûne cadre désormais le quotidien des Tunisiens. Rares, également, sont les cafés ouverts dans la capitale, la plupart dissimulés par des rideaux ou des feuilles de journaux collés sur les vitres. On est entrée dans deux cafés de Tunis. Dès qu’on pointe le nez à l’intérieur, une forte odeur de cigarette vous prend à la gorge et au bout de quelques secondes, les yeux commencent à piquer. Même si certains ne fument pas, ils s’y sentent obligés de supporter ce brouillard. Moez, un jeune de 27 ans que nous avons abordé, a été très courtois et n’a pas hésité à nous expliquer son choix de ne pas jeûner.

 

«  Ce n’est pas parce que je ne jeûne pas, que je ne peux vivre mon islamité. Nous sommes tous musulmans, je crois en Dieu mais il m’arrive de ne pas jeûner quelques jours durant le Ramadhan. Comme aujourd’hui où la température a atteint les 40 degré, j’ai tenu le coup jusqu’à 10h du matin, mais j’ai lâché. Mais il m’arrive tout de même de jeûner. Il y a des gens malades, d’autres faibles ou encore ceux qui travaillent en plein air où des températures comme en ce mois de juillet atteint un pic de 45°. Ces gens ne peuvent pas jeuner. C’est aussi mon cas et j’espère que Dieu nous pardonnera ».

 

Restauration « touristique »

 

Hamid 54 ans, qui venait de rentrer au café en s’attablant tranquillement, ouvre son laptop et commande un café. C’est une fille qui sert. Il n’a trouvé aucun inconvénient à répondre à nos questions : « Je peux vous dire que même si je me considère musulman, je n’ai pratiquement jamais jeûné. Heureusement que certains cafés sont ouverts. Je ne peux pas le faire chez-moi devant ma femme et mes enfants, même s’ils ne se sont jamais aperçu que je ne jeûne pas. Donc, je respecte ceux qui jeûnent comme j’exige qu’on respecte ma liberté d’agir et de penser.»

Pas question de provoquer non plus pour Hamdi, qui aimerait pouvoir faire ses choix ouvertement. Car si la liberté de conscience est inscrite dans la nouvelle Constitution depuis janvier, la vivre pleinement n'est pas encore simple.

Pourtant des agents des forces de l’ordre ont opéré, mercredi dernier, une descente dans le quartier huppé d’Ennasr (Gouvernorat de l’Ariana), l’objectif étant de fermer tous les lieux de restauration ouverts, sauf ceux considérés comme «touristiques», qui gardent le droit de vendre des repas à emporter.

L’un des propriétaires de ces restaurants était perplexe : « Les policiers ont été très respectueux, ils nous ont demandé de ne servir que des menus à emporter». Pour ce qui est de l'autorisation, il indique : «Nous avons une franchise internationale, nous n’avons pas besoin d’autorisation», ajoutant : «je ne sais pas qui est derrière cette décision».

On notera cependant qu’aucune action n’a été entreprise pendant les trois premiers jours du Ramadan et que les restaurants du Lac, de la Fayette, de Bab Bhar ou du Passage continuent de travailler normalement, malgré le fait que bon nombre de ces zones ne soient pas «touristiques».

Sur le plan juridique, il n’y a pas de loi en Tunisie obligeant au jeûne. Le gouverneur de l’Ariana s’est   référé à un arrêté vieux de 30 ans qui a été décrété par le gouverneur de Tunis et qui interdit de manger ou de boire en public pendant le mois de Ramadan. Il s'agit d'une loi morte remise à l’ordre du jour par Ali Laârayedh.



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