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La chronique de Kamel Daoud

Le bonheur n’est pas inscrit dans notre Constitution


kamel_daoud

19 Mai 2014 | 14:52
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kamel_daoud

C’est un peu la mode pour ceux qui gardent encore l’esprit vivant : relire la Constitution algérienne. Etrange lecture : on y découvre, dans le préambule, ce qui sert de socle, un peu, à la vision de l’Algérie : le culte de la lutte, l’angoisse des origines, la consécration du sentiment national type : la fierté. Et quelques lignes sur la vision qu’a le pays du reste du monde : entourage, menace, colonisation, agression. Le préambule de la constitution algérienne est intéressant à lire car il exprime les grands motifs de l’esprit du pays et de son peuple. On y retrouve les mots-clefs de lutte, souveraineté, liberté, islam, ancêtres et droits « arrachés », guerre et « Choix collectif » comme concept de base. En terme de philosophie, c’est la vision d’un peuple né de la guerre, collectiviste, unanimiste, en mode d’affirmation par l’adversité ou la résistance. Le but de l’effort est la Liberté et la défense de la terre. Le but est la libération, pour être précis. Et après ? On ne sait pas. Dans le préambule de la constitution, on lit, entre les lignes, le drame qui s’en suivra : on a pour but de se libérer et il n’y a pas d’explication sur ce qu’on peut/doit faire de cette liberté.

Constitution aux antipodes : celle des Etats-Unis. Là, les fondamentaux sont clairs : se libérer de la tyrannie, le culte de la liberté individuelle, la protection des biens et des fortunes et, surtout, l’idée du bonheur comme but à poursuivre. « Nous tenons pour évidentes par elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. » Déclaration d'indépendance américaine, 4 juillet 1776. Question de fond donc. La constitution algérienne se focalise sur le politique, la légitimité, les mandatures, les identités et le culte du parti libérateur. Elle ne vise pas la liberté, la protection des fortunes et des personnes et encore moins l’idée du bonheur. L’idée du bonheur sur terre semble heurter le culte des morts et martyrs, la conviction de l’éphémère terrestre peut-être. Le bonheur est pour après la mort. Avant la mort, c’est un veau d’or, une idole de pierre, une futilité et un caprice individuel peut-être. Le bonheur est déclassé comme but pour une nation. Le concept est trop… « Civil ». Trop terrestre. Trop charnel, à la proximité de le l’idée de jouissance, luxure peut-être, chair et péché, banalité. Le bonheur n’est ni le but de notre constitution, ni celui des immenses plans de développement quinquennaux : on reloge, on paye, on donne, on soutien les prix, mais le but est de caser tout le monde, rassasier et habiller, loger et éduquer. Pas de rendre heureux. D’où cet air national de pays riche et triste, libre mais ennuyeux, féérie et chômé et payé mais pas égayé. Même l’amour n’a pas pour but le bonheur, mais seulement le mariage, l’alliance, le reflux, la rétraction vers le rite et le code des noces.

C’est peut-être ce qui manque le plus aux révisions des constitutions chez nous : y imposer le Bonheur comme but de la nation, comme but de l’indépendance, comme but du vivre-ensemble. Sinon, on restera à discuter de qui peut commander et pour combien de mandats jusqu’à la fin du monde.



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