Acueil Commentaire Voulez-vous devenir un Calife Rolex ?


La chronique de

Kamel Daoud

Voulez-vous devenir un Calife Rolex ?


  Kamel Daoud     kameldaouddz@yahoo.fr

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C’est une traque inédite : à la recherche du Calife. C’est l’info oubliée de la semaine, entre Gaza en sang et le Mondial en deuil brésilien. Les services de renseignements français et espagnols sont sur les traces d’un djihadiste d’origine algérienne, venu de Syrie, allant vers Allah, en transitant vers l’Europe, selon des informations distillées. Le plus intéressant, c’est l’esthétique de la traque : on ne recherche plus un kamikaze, un preneur d’otages ou un terroriste simple, mais un candidat Calife, envoyé pour créer le Califat de l’Europe. C’est la mode aujourd’hui du courant djihadiste : restaurer l’empire d’autrefois, l’utopie ancestrale, l’âge d’or avant le Temps et la Décadence. Le califat. Donc les califes sont là. Chez les islamistes, comme nouvelle offre d’emploi.
La question concerne cependant l’humanité et pas seulement les enquêtes policières : la calife présumé est une histoire ancienne dans le monde « arabe », dans la famille « arabe », dans l’histoire « arabe ». En gros, c’est une nécessité de l’histoire « arabe » : un Calife est le représentant de Dieu, son régent délégué, le centre de l’Islam, sa papauté politique. Sa résurrection est un premier pas vers les temps anciens. Le calife manquant manque à l’islam, au djiahdite mais aussi dans la mécanique politique « arabe » : la crise califale est une crise récurrente : en déficit d’institutions et d’Etats, les pays arabes vivent sous le règne des régimes, eux-mêmes euphémisme discret de la notion de califat. Un calife n’est pas élu, comme un dictateur « arabe », il l’est par l’armée et les puissants comme tout dictateur « arabe », le calife reste à vie, comme les dictateurs « arabe », meurt violement, comme les dictateurs « arabes » et a tout les pouvoirs comme les dictateurs « arabes ». Tout dictateur est désigné, vécu et subit comme Calife. On peut être Calife au nom d’Allah, d’une guerre de décolonisation ou avec l’armée dans le dos. Des califes meurent mêmes aveugles et misérables mendiants dans les rues comme El Qahir l’Abasside en 951. Ou dans des bains de sang, ou trahis ou tué par leur propre mère, frère ou père. Il faut lire la longue lignée de califes assassinés dans l’histoire des empires musulmans. Extraordinaires. De Omar à Mouâmar (Kadhafi) : que du sang et des gloires.
Donc le métier n’est pas agréable : la longue lignée des calife des empires musulmans est un catalogue de morts violentes comme dit. Sur les quatre premiers, Abubakr, Omar, Othman et Ali, trois ont été tués, affreusement. Les autres Omeyades et Abbassides ? De même : les uns lapidés, yeux crevés, assassinés dans des bains, pendant la jouissance ou en guerre dans le dos. Il en naquit une tradition mais aussi des modes de gouvernance : des califes « élus » on passe aux califes héréditaires puis aux califes sous tutorat de puissantes familles financières. Comme depuis un siècle dans le monde « arabe ». Rien n’a changé. On est passé de Calife à Dictateur père du peuple et colonels putschistes, puis, inversement, de colonel putschiste, dictateur et familles régnante vers le Calife. Le seul détail en plus ? Contrairement aux anciens, le Calife de l’armée islamique d’Irak a une Rolex au poigné. Coincé entre les temps anciens, et le Temps Suisse.

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