Acueil Commentaire Sept raisons qui font « aimer » le Califat et le « Calife »


La chronique de

Kamel Daoud

Sept raisons qui font « aimer » le Califat et le « Calife »


  Kamel Daoud     kameldaouddz@yahoo.fr

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Fascinant le Mollah Omar « Arabe ». Alias le nouveau calife de l’Etat islamique de l’Irak et du Chem. Il vient d’apparaitre aux humains pour leur réclamer obéissance au nom de Dieu « tant il obéira à Dieu » lors d’un prêche filmé et diffusé. C’était quelque part en Irak mais aussi quelque part dans la terre des fantasmes politiques « arabes ».

Le califat est né un Ramadan, le bonhomme s’appelle Abu Bakr comme le second Calife et le califat a déjà un drapeau, des médias et même un passeport qui vient d’être délivré. Question de fond : pourquoi le fantasme du califat exerce tant de fascination « politique » et émotionnelle ? Un : parce qu’il représente le dernier souvenir d’unité, de gloire, de puissance, de consensus entre « arabes »/ Musulmans.

 On y parle bien sur de « restauration », pour le clin d’oeil au passé rêvé, imaginé. Deux : parce qu’il a une légitimité religieuse : système de castes et de seconds électeurs qui résout du coup la question de vote inutile, de la démocratie qui apporte le chaos et de la responsabilité de chacun délégué au guide de tous. C’est une construction : on laisse Dieu gouverner même si ce n’est qu’un homme qui parle à sa place et en son nom.

Trois ? Parce que le reste semble avoir échoué ou a été crashé : démocratie, vote, élections, institutions laïques, républiques, Etat surtout. Quand l’Etat échoue, on a droit à deux choix : la horde ou le califat ; pour les « arabes » s’entend. Dans cette aire, rien ne semble convenir : ni la dictature, ni la démocratie, ni le fédéralisme, ni la monarchie. Reste donc à restaurer le Califat. Quatre : parce que c’est plus sérieux, plus « noble », plus aboutit que El Qaida qui n’est qu’une brigade de combattants. Le califat est le pas sur la lune dans une époque où la terre redevient plate. Il a encore la puissance de plusieurs siècles de conditionnement. Le nouveau « Calife » le sait et en use : il appelle à l’obéissance et à la Moubaya3a qui est un devoir d’alliance et une sorte de lien intime entre le croyant et le Calife. Lien cassé en 1924 avec le dernier Calife et que les institutions modernes n’ont pas compris, investit, analysé ou récupéré. Le lien mystique qui fonde le contrat social en théocratie : la foi ne peut être complète que par la délégation et l’obéissance à Dieu.

 

Cinq : le Calife de l’Irak offre aussi un second souffle à la revendication islamiste/ Djihadiste. El Qaïda et jusqu’aux premiers djihadistes du début du siècle avaient tous pour but la vengeance, la destruction de l’Ennemi Impie, le Djihad, la défense ou la haine ou la contre-croisade, mais pas d’offre politique « locale » sauf le recrutement. Le califat de l’EIIS offre « un plus » : un territoire, un Etat, pas seulement un maquis. Il force et surenchérit et obtient plus.  Six : Le califat a une puissance d’appel. L’armée islamique de l’Irak le sait et sait que dorénavant la proposition califale a placé la barre haute et exercera un effet hypnotique sur les cellules djihadistes mais aussi sur le reste des musulmans.

En sept et en dernier : le Califat va reposer les « arabes » de ce qui leur demande le plus d’efforts : faire de la politique, assumer le monde, la Cité, la présence et l’Autre. On refuse le présent au nom de l’histoire et on remonte l’histoire pour se débarrasser de sa géographie malheureuse et vaincue. Cette fable politique reviendra, tant et tant, qu’elle finira par s’incarner un jour ou l’autre dans le monde dit « arabe ». Il faut le croire. L’annonce de la « Restauration » le premier jour du ramadan est aujourd’hui risible, loufoque et dangereuse et sanglante, mais ce n’est que le premier épisode d’une incarnation monstrueuse qui dorénavant place les « arabes » devant la grande question : rejoindre le calife ou l’humanité ? Car tout le reste n’est qu’artifices.