Acueil Commentaire Le « dégage ! » des « arabes » est encore myope


La chronique de

Kamel Daoud

Le « dégage ! » des « arabes » est encore myope


  Kamel Daoud     kameldaouddz@yahoo.fr

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Retour sur les équations « arabes » : si tu te révoltes, tu te fais avoir. Si tu ne te révoltes pas, tu te fais avoir. Alors révoltes-toi et fais toi avoir ? Ou pas ? C’est selon les pays. En gros, les printemps « arabes » ont bien résumé les impasses « arabes », coincées entre décolonisation et théologisation. Résumons. Un : tu te soulèves. C’est la révolution. Rages et dégages. Le dictateur tombe mais, dans le vide ou « sur nos têtes » comme a dit un collègue. Les islamistes sont là, en positions d’attente, faussement prosternés vers l’est. Dès que le travail est fait, ils vont prendre les devants, les initiatives et les chaises. La révolution démocratique « s’islamise », perd de son crédit, devient un doute, un regret et puis une nosologie discrète de l’ordre d’avant. La révolte devient inutile, ne sert plus à rien puis sert au contraire d’elle-même : le régime tombé redevient « ordre nécessaire », mémoire de la sécurité, synonyme de la solution. Du coup, les islamistes sont chassés, les révolutionnaires reviennent à leurs maisons et c’est le régime qui s’en sort plus fort, plus « légitime », plus féroce.

C’est l’équation tous contre mais c’est le Un qui gagne à la fin.

Les équations « arabes » sont toutes fermées : les régimes s’en sortent toujours vivants. En résistant, en tuant, en attendant l’heure propice, en revenant après une parenthèse démocratique ou en rusant avec le temps comme chez nous. C’est presque une fatalité face à la question de fond : comment faire tomber un régime sans risquer ni sa restauration ultime, ni un vol de la révolution par les islamistes qui, au définitive sont les meilleurs agents passifs des dictatures ? C’est une forme savante de se poser l’autre question : cela sert à quoi de faire la révolution dans ce monde dit « arabe » alors que la question de la religion, de sa sécularisation, de sa réforme ne sont pas encore entamés et asumés ?

En réalité, tout débat sur la démocratie ou la dictature est faussé dans le monde dit « arabe ». Tant que la religion est là comme une relique vieille de 10 siècles, pas encore réformée, Luthérisée, la révolution sera un échec car elle sera menée au bénéfice de gens qui sont dans le statut de sujets, pas de citoyens.

Mais là aussi, l’équation « arabe » se verrouille en double : comment réformer cette religion qui pèse, tue, fausse, intoxique, pollue ou anoblit, tant que les régimes s’en servent comme poudre hallucinogène, comme doctrine du fatalisme et comme moyen d’asservir les esprits et les peuples ? La solution est dans la solitude du révolutionnaire : l’Europe, (oui l’histoire se répète) a bâtit sa renaissance sur l’esprit libre des penseurs charnières de son Moyen-âge. Quand on sortait de l’Eglise et que l’on combattait la monarchie, il y avait à coté de l’imprimerie, les Lumières. Un nœud gordien n’est pas tranché, encore, dans ce monde dit « arabe ». A tout grand élan, il impose la loi de la chute et du trébuchement.

Le « dégages » dit « arabe » est encore myope et n’ose pas se tourner vers la Mosquée.